Accueil Dico Qu’est-ce que l’usine de produit d’une usine à impact ?

Qu’est-ce que l’usine de produit d’une usine à impact ?

0

L’usine de produit d’une usine à impact

Prenons l’exemple d’une équipe qui décide de visiter une cantine scolaire pour identifier des axes d’amélioration. Avant de formuler la moindre idée ou solution, elle prend la mesure du réel. Sur place, elle observe : la préparation des repas, la file d’attente, les gestes du personnel, les réactions des enfants devant leur assiette. Elle discute avec tout le monde — le cuisinier, les enseignants, les élèves, et même les agents d’entretien, témoins silencieux des restes accumulés. Chacun apporte une pièce du puzzle : la pression du service, la difficulté d’anticiper les quantités, les contraintes d’approvisionnement, ou encore les goûts très marqués des enfants — « Les frites, c’est la seule chose qu’ils mangent », lâche le restaurateur, mi-amusé, mi-désabusé.

Mais mesurer, ce n’est pas seulement observer. L’équipe élargit sa vision par une veille comparative : elle se renseigne sur les pratiques d’autres établissements, les innovations en restauration collective, les politiques publiques, les initiatives anti-gaspillage déjà testées ailleurs. Cette exploration lui permet de mettre en perspective ce qu’elle a vu sur le terrain : ce qui est propre à la cantine observée et ce qui relève de tendances structurelles.

Cette phase s’intègre souvent au cours d’un test, même informel. Pour simplifier notre introduction, considérons ici que l’équipe repart avec un ensemble de données brutes — observations, témoignages, chiffres, photos, ressentis — qui serviront de socle à la suite.
Car dans la vraie vie, tout commence ainsi : avant de déclencher une démarche structurée et précise, il faut d’abord découvrir le terrain et laisser place à l’informel.

Dès les premiers échanges, le constat est sans appel :

  • Près de 30 % de la nourriture servie finit à la poubelle.

  • Le turnover du personnel atteint 60 % tous les six mois, rendant difficile toute continuité.

  • Le fournisseur impose les menus au nom de l’optimisation logistique.

  • Les parents ont lancé une pétition après plusieurs fermetures soudaines de la cantine.

  • Les repas ne correspondent pas toujours aux goûts ou aux régimes spécifiques des enfants (végétariens, allergies, etc.).

  • Les horaires de service sont trop serrés : les enfants mangent vite ou pas du tout.

  • Les restes ne sont pas pesés ni analysés : le gaspillage reste abstrait.

  • Le dialogue entre cuisiniers, enseignants et direction est quasi inexistant.

  • Les outils de suivi (commandes, stocks, retours) sont vieillissants et peu exploités.

  • Le moral du personnel est bas, entre surcharge de travail et manque de reconnaissance.

Le tableau est complexe, presque décourageant. Pourtant, il faut choisir un point d’entrée.
Toutes les conséquences ne sont pas encore connues, mais la mission première d’une cantine est claire : nourrir les enfants. Or, jeter près d’un tiers des repas préparés contredit directement cette mission. L’équipe décide donc de prioriser ce problème central : Réduire la quantité de nourriture gaspillée chaque jour.

Premières hypothèses formulées :

  • Les enfants ne mangent pas parce que la nourriture est de mauvaise qualité.

  • Les serveurs mettent trop de nourriture dans les assiettes.

  • Les habitudes alimentaires des enfants ne sont pas adaptées aux plats proposés.

  • Les cuisiniers manquent de temps pour préparer correctement les repas.

  • Les menus imposés par le fournisseur manquent de flexibilité locale.

  • Les plats sont servis à température inadéquate, ce qui décourage les enfants.

  • Les repas ne sont pas présentés de manière attractive.

  • Les horaires de repas mal ajustés réduisent le temps de dégustation.

  • Le personnel n’est pas formé aux principes de lutte contre le gaspillage.

  • Il manque un retour d’expérience structuré entre cuisine et salle pour ajuster les quantités.

Questions prioritaires à explorer :

  • Quels plats sont le plus souvent gaspillés, et pourquoi ?

  • Quelle quantité exacte de nourriture est jetée chaque jour ?

  • Comment les enfants perçoivent-ils la qualité et la variété des repas ?

  • Quelles marges de manœuvre existent vis-à-vis du fournisseur ?

  • Quelles données peut-on suivre pour mesurer les progrès réalisés ?

Les membres de l’équipe viennent tous du monde du développement logiciel. Aucun n’a travaillé dans la restauration collective, mais tous gardent un souvenir contrasté — parfois même amer — de leurs repas à la cantine. Ce vécu personnel, mêlé à leur curiosité d’ingénieurs, a naturellement orienté leur attention vers ce sujet.

Pour l’heure, leur vision reste modeste, presque embryonnaire. Elle s’appuie sur ce qu’ils ont observé lors de leur première enquête : un gaspillage massif, une qualité perçue discutable, et une organisation contrainte par la logistique plus que par le goût.
Ils pressentent que le problème dépasse la cuisine : il touche à la culture alimentaire, à la pédagogie, à la coordination entre acteurs.

Leur intuition, encore floue, est qu’il existe un moyen de mettre le numérique au service d’une meilleure alimentation scolaire — un outil d’aide à la décision, de sensibilisation, ou peut-être de mesure du gaspillage.
Mais pour l’instant, cette piste n’est qu’une boussole morale, pas une feuille de route.

En toile de fond, une fierté typiquement française les guide : celle de vouloir transmettre, dès le plus jeune âge, une relation saine et éclairée à l’art culinaire, symbole d’éducation et de convivialité.

La stratégie, pour le moment, reste ouverte et exploratoire. L’équipe choisit de ne pas chercher la solution, mais de chercher où elle pourrait être utile. Son objectif n’est pas encore de construire, mais de comprendre avant d’agir.

Après avoir exploré le terrain et clarifié son orientation, l’équipe doit désormais cadrer son exploration. Le point de départ reste le même : le problème observé, les questions posées, et les hypothèses formulées. Mais pour avancer, il faut transformer cette compréhension en objectifs mesurables, directement liés à la stratégie de réduction du gaspillage.

Objectif principal : réduire le gaspillage alimentaire.

Cet objectif de long terme se décline en questions concrètes :

  • Quel est le taux de gaspillage cible acceptable pour une cantine scolaire ?

  • Pourquoi autant de nourriture est-elle jetée ?

  • Quels leviers peuvent réellement changer la situation ?

  • Et enfin, comment valoriser cette amélioration : en termes de qualité de service, d’impact environnemental, mais aussi de modèle économique pour l’équipe projet ?

Objectifs intermédiaires :

  1. Mener une enquête terrain approfondie auprès de 50 élèves, pour recueillir leur perception du gaspillage, de la qualité des repas et de leurs préférences alimentaires.

  2. Vérifier les hypothèses formulées lors de la phase précédente :

    • Les enfants ne mangent pas à cause de la mauvaise qualité de la nourriture.

    • Les serveurs mettent trop de nourriture dans les assiettes.

    • Les habitudes alimentaires des enfants ne sont pas alignées avec les menus proposés.

    • Les cuisiniers manquent de temps pour bien préparer les repas.

Nouvelles hypothèses à tester :

  • Si les élèves voient chaque jour le volume de nourriture jetée, ils adapteront naturellement leur comportement.

  • Si les cuisiniers disposent de données quotidiennes fiables, ils pourront mieux anticiper les quantités à préparer.

Cibles prioritaires à poursuivre :

  • Identifier les 3 à 5 causes principales responsables de 80 % du gaspillage.

  • Identifier 5 leviers d’action concrets (organisationnels, pédagogiques ou technologiques).

  • Définir un taux de gaspillage cible réaliste, mesurable et atteignable à moyen terme.

Idéation sur les tests

Pour chacun des objectifs définis précédemment, l’équipe recense les activités possibles :

Objectif : Identifier les causes principales responsables de 80 % du gaspillage
  • Test 1 — Enquête de sortie d’école
    Description : interroger 50 élèves à la sortie de l’école pour savoir s’ils terminent leurs assiettes et, si non, comprendre pourquoi.
    Résultat attendu : liste qualifiée des causes perçues du gaspillage.
    Owner : responsable “Terrain & Données”.
    Rôle d’exécution : deux membres de l’équipe pour la passation des questionnaires.
    Coût estimé : 2 jours.humain.

  • Test 2 — Observation immersive à la cantine
    Description : partager six repas avec six groupes d’élèves différents pour observer les comportements et discuter des repas in situ.
    Résultat attendu : identification contextualisée des causes réelles de gaspillage.
    Owner : responsable “Recherche utilisateur”.
    Rôle d’opération : l’équipe entière en rotation, accompagnée d’un enseignant référent.
    Coût estimé : 3 jours.humain + prix des repas.

Objectif : Identifier cinq leviers d’action concrets
  • Test 1 — Entretien direction cantine
    Description : discuter avec le directeur pour inventorier les actions déjà tentées et leurs résultats.
    Résultat attendu : retour d’expérience sur les leviers déjà testés.
    Owner : responsable “Relations institutionnelles”.
    Coût estimé : 0,5 jour.humain.

  • Test 2 — Conditionnement du dessert
    Description : offrir le dessert uniquement après finition du plat principal, le temps d’un service.
    Résultat attendu : taux de plats terminés.
    Owner : responsable “Opérations tests terrain”.
    Parties prenantes : personnel de service, direction.
    Coût estimé : 1 jour.humain.

  • Test 3 — Atelier d’idéation collectif
    Description : réunir le personnel de cantine et deux parents volontaires pour imaginer de nouveaux leviers d’action.
    Résultat attendu : liste d’actions classées par niveau de confiance.
    Owner : facilitateur innovation.
    Animateur : un membre de l’équipe formé à la facilitation.
    Coût estimé : 3 jours.humain.

Objectif : Définir un taux de gaspillage cible pour une cantine scolaire
  • Test 1 — Benchmark entre établissements
    Description : contacter dix directeurs de cantine réputées pour connaître leur taux de gaspillage moyen.
    Résultat attendu : valeur de référence.
    Owner : responsable “Veille et Benchmark”.
    Coût estimé : 1 jour.humain.

  • Test 2 — Mise en pratique du seuil cible
    Description : poursuivre le projet avec un objectif de 5 % de gaspillage maximum, puis mesurer l’atteinte de ce seuil.
    Résultat attendu : validation ou révision du taux cible.
    Owner : responsable “Analyse d’impact”.
    Coût estimé : 1 jour.humain.

Une fois les tests possibles listés, l’équipe entre dans une phase clé : planifier les expérimentations. L’enjeu n’est plus seulement de savoir quoi tester, mais comment, avec qui et pourquoi.

Sélection et arbitrage

Face à un budget exploratoire plafonné à 6 jours.humain, l’équipe doit faire des choix.
Après discussion, elle retient trois tests jugés les plus prometteurs et équilibrés en effort/impact :

  1. Observation immersive à la cantine (3 jours.humain)

  2. Entretien avec le directeur (0,5 jour.humain)

  3. Atelier d’idéation collectif (3 jours.humain)

Une négociation budgétaire permet de maintenir ces trois expérimentations dans le périmètre. Les owners et contributeurs sont désignés :

  • un responsable pour la définition du test,

  • un autre pour la création du matériel (questionnaires, scripts, supports),

  • un troisième pour l’opération et la collecte des données,

  • et un membre dédié à l’analyse et la restitution.

Les parties prenantes (direction, personnel, parents, élèves) sont identifiées, informées et intégrées au calendrier. La roadmap des tests est actualisée pour les synchroniser sur six semaines, avec jalons de validation et moments de partage des apprentissages.

Une fois les tests planifiés et validés, vient le temps de délivrer. Délivrer, ici, ne signifie pas livrer un produit fini, mais rendre opérationnel ce qui permettra d’apprendre : l’objet du test. Chaque test devient un mini-projet, doté de ses propres ressources, livrables et validations internes.

1. Spécifier le test

Avant toute conception, l’équipe formalise le cadre de chaque expérimentation. Cette spécification joue le rôle de contrat entre l’intention et l’exécution. Selon la nature du test, elle prend différentes formes :

  • un brief de conception pour la création d’un prototype (objectifs, contexte, public, contraintes, critères de réussite) ;

  • une fiche de protocole décrivant le déroulé d’un test terrain (lieu, durée, matériel, consignes, risques identifiés) ;

  • une user story et/ou EPICs pour un développement technique (“En tant que cuisinier, je veux visualiser la quantité de nourriture jetée chaque jour pour ajuster mes préparations”) ;

  • un plan d’entretien ou de focus group pour les échanges qualitatifs ;

  • un template d’atelier pour les sessions de co-idéation.

Ces documents assurent une cohérence entre tous les acteurs du projet et permettent de valider les hypothèses avant de produire quoi que ce soit.

2. Concevoir et préparer les ressources

Des ressources différentes sont ensuite créées pour chaque test sélectionné :

  • Observation immersive à la cantine

    • Préparation d’un questionnaire d’observation et d’un tableau de suivi des quantités consommées par élève.

    • Coordination avec les enseignants pour planifier les six journées.

    • Vérification logistique : autorisations, horaires, matériel de prise de notes.

  • Entretien avec le directeur de la cantine

    • Création d’un guide d’entretien semi-directif et d’un fichier de notes collaboratif pour centraliser les retours.

    • Organisation du rendez-vous et partage du compte rendu dans l’espace projet.

  • Atelier d’idéation collectif

    • Ouverture d’un compte FigJam et conception d’un template d’atelier simulé à blanc avec deux membres de l’équipe (trois itérations successives d’amélioration).

    • Envoi d’un Doodle pour trouver la date commune avec les participants (personnel + parents).

    • Préparation du matériel d’animation (règles du jeu, canevas d’idées, timer, fiche de synthèse).

3. Implémenter et vérifier avant d’opérer sur le terrain

Avant tout déploiement, l’équipe recette ses livrables. Chaque ressource est testée en conditions simulées :

  • Le questionnaire fonctionne-t-il sans ambiguïté ?

  • Le fichier de collecte respecte-t-il les formats attendus ?

  • Le template FigJam est-il fluide et compréhensible ?

  • Les indicateurs de réussite sont-ils mesurables à la fin du test ?

Cette étape d’ajustement, parfois négligée, garantit la fiabilité des apprentissages futurs : un test mal préparé produit des données inutilisables. Dans un projet plus avancé, cette phase aurait pu inclure la mise en place d’un prototype interactif ou d’un tableau de bord de mesure en situation réelle.

La finalité de la livraison n’est pas le livrable, mais la production du savoir qui alimentera les futures décisions pour avancer.

Une fois les données collectées, l’équipe se réunit pour mettre en regard la réalité observée et la stratégie initiale. Les tableaux s’affichent, les verbatims se relisent, les photos et graphiques s’étalent sur la table. Peu à peu, les écarts apparaissent. Certaines hypothèses se confirment, d’autres s’effondrent, et plusieurs zones grises réclament un nouvel éclairage.

Les premiers constats sont parlants :

  • Les élèves ne rejettent pas la nourriture pour sa qualité, mais faute de temps pour manger.

  • Les agents souhaitent ajuster les portions, mais les contrats fournisseurs bloquent la flexibilité.

  • Les cuisiniers manquent d’informations sur les quantités à prévoir, mais pas de volonté d’améliorer.

  • Les parents et le personnel partagent le même objectif, mais aucun canal ne leur permet d’agir ensemble.

Ces enseignements montrent que le gaspillage n’est pas qu’un problème opérationnel : c’est un système de contraintes mal alignées. L’équipe mesure alors combien la mission qu’elle s’était donnée — “réduire le gâchis” — dépasse le simple geste alimentaire.
Elle touche à la gouvernance, à la communication, et même à la culture éducative.

À partir de ces constats, plusieurs pistes s’ouvrent :

  • Redéfinir la vision, en intégrant la dimension culturelle et collective du problème.

  • Réviser la stratégie, en ciblant les leviers d’influence plutôt que les symptômes visibles.

  • Lancer une nouvelle série de tests, cette fois orientée vers la co-construction d’une solution concrète (outil de suivi, dispositif d’affichage, application de pilotage des menus…).

Formuler de nouvelles hypothèses, par exemple :

  • “Si les données de gaspillage sont affichées quotidiennement à tous, le comportement collectif évoluera naturellement.”
  • “Si les cantines disposent d’un outil de retour instantané, elles pourront ajuster leurs menus en temps réel.”

Ce travail de recensement marque le retour au point de départ, mais avec une compréhension plus fine, plus profonde, plus systémique.

Posé sous la forme d’un kanban, celà donne les étapes suivantes :

AUCUN COMMENTAIRE

Quitter la version mobile